16 rue Marius Minnard
78640 NEAUPHLE-LE-CHÂTEAU
La difficulté maternelle, de quoi s’agit-il ?
Terme proposé par Jean-Marie DELASSUS, père fondateur de la maternologie (science de la maternité psychique), la difficulté maternelle rend compte de l’ensemble des manifestations de souffrances psychiques susceptibles de survenir au cours de la grossesse ou à la suite d’une naissance, et qui viennent empêcher la femme de devenir, se sentir et se reconnaître mère. Ces difficultés entravent également la mise en place et la bonne qualité des relations avec son bébé.
Loin des classifications psychiatriques habituelles de dépression du post-partum ou psychose puerpérale, le diagnostic de difficulté maternelle permet de rappeler la spécificité et la multiplicité des troubles psychologiques et émotionnels survenant à l’occasion de l’arrivée d’un enfant, ainsi que la spécificité des soins à leur apporter.
Devenir mère ne se résume pas, comme voudrait nous le faire croire l’imaginaire collectif sociétal, à porter et mettre au monde un enfant, ni même à l’accueillir au sein de son foyer, comme dans le cas des adoptions. Cela nécessite et appelle une transformation intérieure profonde, qui mobilise notre histoire toute entière. Il n’est pas d’instinct maternel préexistant, et se révélant au moment opportun, dont certaines pourraient, par malchance, être dépourvues. L’accès à la maternité psychique, ce sentiment intense et entier d’être une mère, se construit progressivement, prenant racine dans l’enfance et l’adolescence, pour terminer de s’achever lorsque l’enfant se concrétise. Comme tout processus maturatif, il peut connaître des points d’achoppement, des “ratages” qui donneront lieu ultérieurement à des manifestations symptomatiques.
Certaines situations contextuelles (isolement social et familial, précarité, grossesse non désirée, grossesse pathologique, accouchement traumatique, troubles psychiques préexistants…) représentent bien sûr des facteurs de risque, mais la difficulté maternelle peut également survenir alors qu’on ne s’y attend pas, même lorsque le bébé a été ardemment désiré et attendu, que le couple est stable et que la femme ne présentait aucune tendance à la dépression ou autres troubles anxieux.
Reconnaître la survenue de telles difficultés et de ses différents modes d’expression est essentiel pour ne pas laisser les mères dans le désarroi, la honte et la culpabilité de ne pas être et ne pas ressentir ce que le monde entier semble attendre d’elles, y compris elles-mêmes, et qu’elles ne parviennent pas, malgré tous leurs efforts, à devenir.
Ecouter, accompagner et soulager les mères en difficulté est une mission de prévention précoce. Les risques pour la mère et l’enfant sont réels et il est urgent de savoir entendre et percevoir la détresse de celles et ceux qui ne parviennent pas à s’accorder, s’ajuster et composer ensemble dans cette danse relationnelle des premiers mois.
L’enfant qui n’aura pas de mère, au sens d’une indisponibilité psychique à lui offrir le monde, ses bras, son amour, son regard, pourra souffrir d’importants troubles du développement.
La mère, qui restera vide de cet enfant qu’elle ne porte plus en elle et qu’elle n’aura pas pu accueillir dans son imaginaire, qui ne trouvera pas le sens de sa maternité et ne trouvera personne à qui dire son incompréhensible douleur, sera aux prises avec des angoisses de mort qui ne cesseront d’attaquer son identité (perte d’estime de soi, honte, culpabilité, idées noires, pensées suicidaires…).
Les signes de la difficulté maternelle
Les manifestations, psychiques ou comportementales, de cette difficulté peuvent revêtir différentes formes et parfois être source d’erreur d’interprétation ou de minimisation. C’est l’accumulation des signes et leur continuité dans le temps qui doivent vous interpeller et conduire à demander de l’aide.
Tous les signes habituels de la dépression sont susceptibles d’être retrouvés :
- fatigue, épuisement, ralentissement psychomoteur
- tristesse, pleurs, désespoir
- désintérêt, perte de motivation, absence de plaisir
- troubles du sommeil
- trouble de l’appétit
- irritabilité, humeur labile
- Troubles de l’attention et de la mémoire, difficultés à penser
- anxiété, angoisses
- idée noires, pensées suicidaires
- dévalorisation, perte de l’estime de soi, culpabilité
Des signes spécifiques à la parentalité et à la présence du bébé s’expriment :
- Désintérêt ou difficulté à donner les soins au bébé (bain, change, repas), exécution mécanique de ceux-ci ou à l’inverse sur-investissement de la technique, recherche d’excellence dans le maternage, les mères ne s’autorisent aucun faux-pas.
- Absence d’envie ou de plaisir à être avec son enfant, le porter, le regarder, lui parler, jouer avec lui… La mère préfèrera laisser quelqu’un d’autre s’en occuper.
- Sentiment d’incompétence, de nuire à son enfant, d’être une mauvaise mère.
- Impression d’étrangeté vis à vis de l’enfant, de ne pas le comprendre, ne pas le reconnaître, jusqu’à une possible mise en doute de la filiation (“ce n’est pas mon enfant” ou “je ne suis pas sa mère”)
L’ensemble de ces ressentis ou manifestations sont particulièrement difficiles à vivre car ils vont à l’encontre de ce qui est attendu d’une mère et de l’ensemble des messages idéalisés véhiculés autour de la maternité. Cela s’accompagne nécessairement de beaucoup de culpabilité, de honte, d’incompréhension et va parfois jusqu’au dégoût de soi.
Pour toutes ces raisons, les difficultés sont très souvent cachées, minimisées voire déniées par les femmes. Elle peinent à les exprimer, à partager leur ressentis de peur d’être jugées et incomprises.
Ces difficultés surviendraient dans environ 10% des naissances.
Et les pères dans tout ça ?
Les pères et la difficulté maternelle
Les pères se trouvent en première ligne pour percevoir et déceler les difficultés des mères. En effet, ils sont au quotidien confrontés aux manifestations de détournement, aux pleurs, aux angoisses de leurs compagnes et parfois les seuls à qui celles-ci s’autorisent à dire que quelque-chose “cloche” dans leur maternité (quand cela est possible pour elles). Ils se trouvent particulièrement démunis et inquiets de cette situation qu’ils ne comprennent pas plus que les femmes qui la vivent.
Leur rôle et leur place seront pourtant essentiels, pour accueillir, porter, soutenir la mère et l’enfant. Il s’agira d’offrir à l’un comme à l’autre un regard bienveillant, des bras contenants, et une présence rassurante pour soutenir et favoriser la rencontre, valider la mère dans sa compétence maternelle tout en palliant auprès de l’enfant ce qui vient faire défaut dans le réel immédiat, afin de prévenir le développement de symptômes carentiels.
Les pères auront bien entendu un rôle à jouer dans l’orientation des mères vers un espace de soin, en posant parfois pour elles les mots de leur détresse lorsqu’elles n’y parviennent pas.
La difficulté paternelle
Beaucoup moins étudiée et décrite que la difficulté maternelle, nous pouvons toutefois faire l’hypothèse de l’existence d’une difficulté paternelle, survenant spécifiquement autour de la naissance d’un enfant ou de la grossesse de leur compagne. Elle peut se développer en écho de la difficulté maternelle ou exister de façon indépendante.
Comme pour les mères, l’accès à la parentalité des hommes vient chercher en eux les représentations et les identifications construites dans la prime enfance et réactualise l’ensemble des conflits psychiques en lien avec les transmissions transgénérationnelles.
L’empreinte des relations à ses propres parents ressurgit avec tout ce qu’elle peut comporter d’angoisses, de déceptions, de contraintes ou de violence.
La difficulté paternelle pourra prendre les aspects d’un effondrement dépressif avec désinvestissement des activités, altération de l’humeur, retrait relationnel ou pourra s’observer dans une fuite, un détournement de la sphère familiale et des responsabilités parentales (surinvestissement professionnel ou des activités de loisir, sorties entre amis, sport, jeux vidéos…). C’est également une période sensible concernant la recherche de relations extra conjugales.
Concernant la relation à l’enfant, les hommes se sentiront souvent mal à l’aise dans le soin, avec une peur de mal faire, de blesser l’enfant, avançant une certaine fragilité de ce dernier. Ils auront du mal à communiquer et jouer avec les tout-petits, attendant bien souvent que les compétences relationnelles du bébé soient plus explicites (sourire, rire, babillage, déplacement, langage…).
Si vous constatez de telles difficultés et que cela altère la qualité de votre vie de famille, n’hésitez pas à demander de l’aide. Les professionnels de la périnatalité peuvent vous accompagner.
Ressources
Face à la difficulté maternelle, il est important de ne pas rester seule.
L’association Maman Blues constitue un pôle ressource en terme d’information, de documentation, de soutien et de partage d’expérience.
Pour un suivi psychologique vous pouvez vous adressez à des professionnels libéraux (psychologues, psychiatres) ou à des centres de soins (consultations spécialisées parents-bébé ou unités d’hospitalisation).
Les Lieux d’Accueil Enfants Parents (LAEP) sont également des lieux de soutien à la parentalité. Retrouvez les coordonnées des LAEP près de chez vous sur
mon-enfant.fr, rubrique “recherche d’un mode d’accueil”.